Institut français
d’archéologie orientale du Caire

IFAO

Systèmes toponymiques

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Responsables: Sylvain Dhennin (IFAO) et Claire Somaglino (univ. Paris IV-Sorbonne).

Collaborations: Égyptologues: Ake Engsheden (univ. d’Uppsala); Lorenzo Medini (doctorant, univ. Paris IV-Sorbonne); Vincent Razanajao (Griffith Institute, Oxford); Stephan Seidlmayer (DAIK); D. Valbelle (égyptologue Pr. Paris IV); Harco Willems (univ. Leuven). Hellénistes et byzantinistes: Katherine Blouin (univ. de Toronto); Willy Clarysse (univ. Leuven); El-Sayed Gad (univ. de Tantah); Isabelle Marthot (doctorante, EPHE); Herbert Verreth (univ. de Leuven, Projet Trismegistos). Arabisants: Al-Amin Abouseada (univ. de Tantah, chercheur associé IFAO); Sobhi Bouderbala (univ. de Tunis I); Omaima Hassan (doctorante, univ. de Mansourah).

 

Institutions partenaires:

 

Les différentes cultures qui se sont succédé en Égypte ont chacune laissé leur trace dans la toponymie égyptienne, des traces que l’on retrouve encore aujourd’hui dans les noms de lieux de l’Égypte contemporaine. Chaque époque, chaque langue, tout en conservant une partie du fonds ancien, a apporté de nouvelles manières de nommer et de s’approprier les lieux. Plusieurs systèmes toponymiques, en égyptien ancien, grec, copte, arabe se succèdent, s’entremêlent, cohabitent ou s’affrontent sur le même espace, la «production de l’espace» au sens défini par Henri Lefebvre étant alors jeu et enjeu de pouvoir. Plusieurs langues cohabitent ainsi dans la documentation écrite entre l’époque hellénistique et le XIIIᵉ siècle environ, et chacune n’emploie pas systématiquement les mêmes toponymes pour désigner les mêmes lieux.

Mais chaque séquence chronologique voit également cohabiter plusieurs systèmes. Pour l’Égypte pharaonique par exemple, système toponymique administratif et religieux ne se recoupent que partiellement, chacun ayant ses enjeux propres. Dans le cas de la toponymie religieuse, les spéculations des prêtres déploient une géographie en rapport avec des mythes ou des croyances. Il s’agit, pour eux, de révéler un espace idéal et préexistant, de le faire exister par la performativité du nom, par exemple, dans le cadre du développement du mythe osirien au premier millénaire avant J.-C. Les prêtres ont ainsi sélectionné et réinterprété une série de toponymes pour les inclure dans un nouveau système, cohérent et spécifique à la théologie du dieu Osiris.

L’idée selon laquelle le territoire forme un système cohérent, porteur de sens, n’a été appliquée à l’Égypte que récemment. Le volet toponymique des études sur le territoire a jusqu’à présent essentiellement eu pour objectif la création de dictionnaires, dont les principaux recensent dans une perspective topographique et sans vraiment les distinguer, les toponymes égyptiens, qu’ils soient religieux, administratifs, ou même imaginaires.

Dans le cadre du programme «Systèmes toponymiques», les recherches sont menées autour de deux problématiques principales et étroitement complémentaires: découpage et individualisation des territoires d’une part; perception et représentation de l’espace d’autre part. Différentes échelles d’analyse seront prises en considération, de la microtoponymie à la désignation de l’Égypte elle-même. Elles s’accompagnent d’une réflexion autour des particularités de la recherche toponymique dans le cadre de l’histoire égyptienne, aussi bien antique que médiévale et son insertion au sein de l’ensemble des recherches menées dans les sciences onomastiques.

Cinq axes de recherche principaux ont été définis:

  1. Méthodologie et épistémologie Il s’agit de réfléchir à des modèles d’analyse et des outils méthodologiques. Des séminaires d’initiation sont proposés afin de former les étudiants de master et doctorat aux méthodes, outils et problématiques de la toponymie égyptienne sur le temps long. Les tables-rondes régulières organisées dans le cadre du programme permettent également à ses participants de réfléchir à la définition d'un nom propre de lieu ou encore aux usages de la toponymie dans l'écriture de l'histoire égyptienne.
  2. Toponymie et religion Redonner du sens aux toponymes qui ne sont plus compris est un processus fréquent. Le monde religieux occupe une large part des réinterprétations et contribuent à l’élaboration de légendes toponymiques. Il devient alors nécessaire de les réintégrer dans la trame générale du système toponymique en fonctionnement. La recherche de l’origine du toponyme entraîne l’apparition de nouvelles étymologies, souvent éloignées de la motivation originelle. Elles peuvent soit résulter d’une construction volontaire, soit découler de l’imaginaire populaire. Le rapport qu’établit une communauté avec les lieux qu’elle occupe peut en effet donner lieu à un récit, inventé ou réinventé, faisant appel à l’histoire, la religion ou la culture, et qui entretient le lien avec l’espace. Des études de cas sont menées dans le cadre du programme, et pour les différentes périodes envisagées, afin de retracer la généalogie d’un certain nombre de toponymes employés dans la documentation religieuse, ainsi que de déceler et comprendre les légendes qui en donnent une nouvelle étymologie.
  3. Processus de nomination ou étude de la «fabrique toponymique» Différents processus sont à l’œuvre lors de la création d’un nom de lieu. Ces processus prennent racine chez les populations qui occupent quotidiennement un espace donné, ou bien sont imposés par les autorités politiques, pour qui nommer l’espace est un acte tout aussi important que de le délimiter. Il s’agira tout particulièrement ici d’étudier des séries de toponymes formés sur les mêmes termes : noms désignant des types de terre, des éléments du reliefs ou de l’hydrographie, noms de bâtiments, etc. Ces références aux paysages livrent des informations précieuses sur la perception de l’espace, mais aussi et surtout sur sa construction et sa préservation dans les mémoires collectives, ou encore sur les manières de s’y repérer, de s’orienter. L’évolution du paysage ne correspond pas non plus forcément à celle de la toponymie, qui garde sur le temps long les traces d’états anciens du territoire et de sa mise en valeur.
  4. Monographies régionales Il s’agit pour des régions données, d’établir le corpus toponymique. L’accent sera mis tout particulièrement sur le Fayoum, la Moyenne-Égypte, la Maréotide et les zones frontalières, pour lesquelles, selon les périodes, les études font particulièrement défaut.
  5. Toponymie, perception et imaginaire de l'espace Les noms de lieux participent à l’émergence du sentiment d’appartenance à un territoire et à la définition de l’identité même d’une société. Plus qu’une simple indication topographique, plus qu’une simple localisation, les toponymes sont porteurs de sens, ils renferment des références culturelles, mémorielles, presque émotionnelles. Il faut donc s’interroger sur les liens entre toponymie et littérature, sur la mémoire géographique, etc.

Pour plus d’information, l’actualité du programme de recherche et de la toponymie égyptienne, des ressources et une veille bibliographique, le carnet de recherches «Systèmes toponymiques» peut être consulté à l’adresse suivante.

Actions prévues: Publications prévues:
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Toponymic systems of Egypt from Antiquity to the Middle Ages

Supervisors: Sylvain Dhennin (IFAO) et Claire Somaglino (univ. Paris IV-Sorbonne).

Collaborators: Egyptologists: Ake Engsheden (univ. d’Uppsala); Lorenzo Medini (PhD student, univ. Paris IV-Sorbonne); Vincent Razanajao (Griffith Institute, Oxford); Stephan Seidlmayer (DAIK); D. Valbelle (Univ. Paris IV-Sorbonne); Harco Willems (univ. Leuven). Hellenists and Byzantinologists: Katherine Blouin (univ. of Toronto); Willy Clarysse (univ. Leuven); El-Sayed Gad (Univ. of Tanta); Isabelle Marthot (PhD student, EPHE); Herbert Verreth (Univ. Leuven, Trismegistos Project). Arabists: Al-Amin Abouseada (Univ. of Tanta, associate researcher IFAO); Sobhi Bouderbala (Univ. of Tunis I); Omaima Hassan (PhD student, Univ. of Mansoura).

Partner institutions:

The different cultures that have succeeded each other in Egypt have all left their mark on Egyptian toponymy and these marks are still clear today in the place names of modern Egypt. Each period and each language, while preserving part of the ancient base, has brought new ways of naming and claiming ownership of places. Several toponymic systems, in ancient Egyptian, Greek, Coptic and Arabic have succeeded each other, intermingling, cohabiting and confronting within the same space. The "production of space" as defined by Henri Lefebvre was then the game and the stakes of power. Thus, several languages cohabit within written documentation between the Hellenistic period and the 13th century approximately, and none systematically employs the same toponyms to designate the same places.

Each chronological sequence, however, witnesses the cohabitation of several systems. In Pharaonic Egypt, for example, the administrative and the religious toponymic systems only partly overlapped, each one having its own specific issues. In the case of the religious toponymy, the considerations of the priests laid out a geography related to myths and beliefs. For them, it was a case of revealing an ideal and pre-existing space, to make it exist through a performative name, as exemplified by the development of the Osiris myth in the first millennium BC. The priests selected and reinterpreted a series of toponyms to be included into a new system that was coherent with and specific to the theology of the god Osiris.

The notion that a territory forms a coherent and meaningful system has only been applied to Egypt recently. The toponymic section of territorial studies has until now been essentially aimed at the creation of dictionaries and of these, the main ones record Egyptian toponyms from a topographic perspective without really distinguishing whether they are religious, administrative or even fanciful.

The research involved in the "Toponymic systems" programme will revolve around two principal and strictly complementary themes: division and individualisation of territories on the one hand, and perception and representation of the space on the other. Different scales of analysis will be taken into consideration, from micro-toponymy to the naming of Egypt itself. There will also be a reflection as to the particularities of toponymic research within the framework of Egyptian history, both ancient and medieval, and the insertion of this research into the ensemble of work conducted in the onomastic sciences.

Five principal lines of research have been defined:

  1. Methodology and epistemology There is need for thought as to analysis models and methodological tools. Introductory seminars will be proposed for students at masters and doctoral level in the methods, tools and problematics of the Egyptian toponymy over the long term. Regular round tables organised as part of the programme will allow participants to reflect on the definition of a place name and also on the uses of toponymy in the writing of Egyptian history.
  2. Toponymy and religion Reassigning meaning to toponyms that are no longer understood is a frequent process. The religious world occupies a large part of these reinterpretations and contributes to the creation of toponymic legends. It is therefore necessary to reintegrate them into the general fabric of the working toponymic system. The search for the origins of a toponym involves the appearance of new etymologies, often quite removed from the original purpose. They might be the result of a willing construction or arise from within the popular imagination. The relationship that a community forms with the places that it inhabits can, in fact, give birth to a narrative, invented or reinvented, that appeals to history, religion or culture, and which maintains the connection with the space. Case studies will be conducted within the programme, and for the different periods envisaged, in order to retrace the genealogy of a certain number of toponyms used in religious documentation and also to detect and understand the legends that have given them a new etymology.
  3. The process of naming: studying the "toponym factory" Different processes are in action when a place name is created. These processes take root in the populations that daily occupy a given space, or else they are imposed by political authorities, for whom the naming of a space is as important an act as the demarcation of it. The particular task here is to study series of toponyms shaped from the same terms: names designating types of land, features of the relief or hydrography, names of buildings etc. All these references to the landscape provide precious information concerning the perception of a space, but also and especially about its construction and its conservation in the collective memory, and, in addition, about the way in which one finds one's bearings within the space. The changes in a landscape do not necessarily correspond to the changes in toponymy. This latter will hold traces of the ancient state of the land and its management for a long time.
  4. Regional monographs We shall establish a toponymic corpus for certain regions. The emphasis shall be on the Fayoum, Middle Egypt, the Mariotid and frontier zones, which, depending on the period, have significantly lacked previous study.
  5. Toponymy, the perception and the image of a space Place names play a part in the emergence of a sense of belonging to a territory and to the definition of the very identity of a society. More than just a simple topographic indication, more than a simple location, toponyms are full of meaning and contain cultural, memorial and almost emotional references. Thus, one must look at the links between toponomy and literature and at geographic memory etc.

For more information, an up-date on the state of research and on Egyptian toponymy, for resources and a bibliographic survey, for the "Toponymic systems" research log, please consult.

Planned activities and publications: