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Bateau Abou Rawach
Découverte d’une barque funéraire de la Ire dynastie à Abou Rawach, datée du règne de Den (v. 2950 BC). Photo © Yann Tristant
Lors des travaux poursuivis pendant l’été 2012 sur le cimetière M de la Ire dynastie à Abou Rawach, la mission de l’Ifao a mis au jour les vestiges d’une embarcation en bois déposée au nord du mastaba M06 dans une fosse délimitée par un mur en briques. Disposé selon un axe est-ouest au nord du tombeau, le bateau est conservé sur 6,54 m de longueur et 1,3 m de largeur. Douze planches en bois sont préservées. Les vestiges, homogènes et en bon état de conservation, bien que le bois soit pulvérulent, correspondent à la zone centrale de l’embarcation. L’extrémité de la quille manque ; les parties arrière et avant du bateau sont endommagées ; le bordage sud, partiellement conservé, est ajusté au plancher ; le bordage nord est manquant. Le fond du bateau est actuellement plat ; seule la partie supérieure de la quille est proéminente. La datation C14 réalisée au laboratoire de l’Ifao confirme que cette barque funéraire est contemporaine du règne de Den (v. 2950 BC).
Le bateau a été conçu selon la technique d’assemblage par ligatures : toutes les parties étaient emboîtées avec des tenons et mortaises, puis « cousues » à l’aide de liens végétaux qui passaient dans près de 300 trous ménagés le long de chacune des planches, tous les 10 cm environ. Afin d’assurer la solidité du bateau, les bordages nord et sud devaient probablement être maintenus par 8 ou 9 membrures ligaturées à l’intérieur de la coque. Des restes de cordages (fibres de lin et de papyrus) ont été recueillis dans les trous de ligatures lors de la fouille. Ces liens montrent que le bateau n’a pas été démonté, mais a été déposé entier dans la fosse. Les planches sont d’ailleurs placées dans leur position initiale, leur écartement respectant sans doute la forme du carénage de la coque.
Des découvertes similaires ont été réalisées avant 1950 sur les sites protodynastiques de Saqqara et d’Hélouan. Les vestiges de bateaux n’ont malheureusement pas pu être conservés et la documentation réalisée à l’époque est peu satisfaisante au regard des standards actuels. Le corpus a été cependant complété entre 1990 et 2000 par quatorze barques de grande taille exhumées à Abydos, mais la date proposée, entre la Ire et la IIe dynastie, n’a pu être confirmée ni par la stratigraphie ni par datation absolue. La barque d’Abou Rawach est donc, dans l’état actuel des connaissances, la plus ancienne embarcation jamais découverte en Egypte.
Transporté au laboratoire de conservation du « Grand Egyptian Museum » de Giza, le navire d’Abou Rawach sera bientôt exposé dans les galeries du futur musée. Son étude permettra de mieux comprendre les techniques de la construction navale des premiers temps de l’Égypte, thème de recherche qui connaît un renouveau ces dernières années avec la découverte par les équipes de l’Ifao sur les côtes de la mer Rouge, d’un port de l’Ancien Empire au débouché du Ouadi Jarf et des restes d’un navire du Moyen Empire à Ayn-Soukhna.
Yann Tristant (archéologue, protohistorien, Macquarie University)