Une image, un commentaire…
Un « Athénien » à l'Ifao
Buste en bronze de Pierre Jouguet par Boris Frodman Cluzel (© Ifao, Matjaž Kačičnik)
Dans le regard penseur de ce buste, il faut reconnaître les traits de l’helléniste et égyptologue Pierre Jouguet, et l’hommage que ses amis et élèves ont voulu lui rendre après sa mort en 1949. Ce buste était initialement destiné à l’Institut d’Égypte, dont Pierre Jouguet avait été membre entre 1931 et 1946. L’œuvre inachevée, que le Suédois Boris Frodman Cluzel avait sculpté d’après nature, fut coulée en bronze à l’initiative de ses amis d’Égypte. L’Ifao conserve la correspondance de Jean-Philippe Lauer, gendre de Pierre Jouguet et secrétaire du comité à l’initiative de cette commande. On jugea l’Institut d’Égypte l’emplacement idéal pour réunir ses amitiés égyptiennes, françaises et étrangères. L’Ifao que Pierre Jouguet a dirigé de 1928 à 1940 avait été proposé par son épouse, mais cette idée a été écarté, et on ne sait pas dans quelles circonstances le buste se retrouva finalement au palais Mounira.
La souscription rencontra un tel succès auprès de ses connaissances du Caire, d’Alexandrie et de Suez, que le buste fut finalement réalisé en 3 exemplaires. L’emplacement des statues reflète bien les activités de Pierre Jouguet, qui se répartirent principalement entre Alexandrie, Le Caire et la France.
Le petit frère alexandrin de ce buste rappelle la vocation hellénistique de Pierre Jouguet, qui découvrit d’abord l’Égypte à travers son intérêt pour le monde grec. Alors membre de l’École française d’Athènes, il se rendit pour la première fois en Égypte en 1894 pour étudier des sites et papyrus grecs. Il consacra toute sa carrière à ce double intérêt d’helléniste et d’égyptologue, et les dernières années de sa vie à la fondation de l’Institut de recherches hellénistiques d’Alexandrie. Destiné à la bibliothèque de l’université Farouk Ier, le buste alexandrin séjourna brièvement au Consulat de France, puis à la Société royale d’archéologie. Le troisième buste de la série a rejoint la Sorbonne le 26 janvier 1952, lors d’une célébration qui fut l’occasion de témoignages émus de ses premiers élèves sur les débuts modestes de « la Papy ».
Dans les archives de Jean-Philippe Lauer conservées à l’Ifao, on trouve une partie des nombreux hommages qui ont été dédiés à Pierre Jouguet après sa mort. La Revue du Caire lui a consacré l’intégralité de son numéro 130 de mai 1950 en réunissant de nombreuses contributions de ses amis, élèves et collègues. Dans les lettres de ses proches endeuillés, dans les hommages de ses amis et élèves, dans ce buste en trois exemplaires, entre les lignes de bronze et d’encre, se dessine ainsi aujourd’hui la mémoire d’un pionnier de la papyrologie, helléniste et égyptologue français très apprécié de ceux qui l’entourèrent.
Stéphanie Gadat (ENS, Paris)