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Les signes hiéroglyphiques dessinés par S. Cherubini
À gauche, page de modèle de signes dessinés à l’encre ; à droite, page de transfert des signes qui étaient dessinés au crayon noir pour être ensuite reportés par frottement sur la pierre lithographique. © Ifao.
Le service des archives et collections possède des fonds d’archives dites « patrimoniales » qui ne se rapportent pas directement l’histoire de l’Ifao, mais permettent néanmoins de documenter des jalons importants de l’histoire de l’égyptologie française. Parmi ces archives se trouvent les épreuves de la Grammaire égyptienne de Jean-François Champollion, dont le manuscrit original est conservé à la Bibliothèque Nationale de France, ainsi qu’un ensemble de dessins réalisés par Salvatore Cherubini pour illustrer cet ouvrage. On ne connaît pas la provenance de ces documents dont la présence au Caire est d’autant plus surprenante que l’ensemble du processus de création et d’impression de l’ouvrage s’est déroulé à Paris. Peut-être ont-ils été apportés par Auguste Mariette en Égypte après lui avoir été confiés par l’imprimeur Firmin-Didot, et auraient ensuite été récupérés par l’École française du Caire en même temps que sa bibliothèque acquise après sa mort en 1881 ; c’est en tout cas l’hypothèse avancée par Nadine Cherpion.
Ces documents nous apprennent plusieurs choses sur les choix et les procédés mis en œuvre pour imprimer l'ouvrage paru en trois fascicules entre 1836 et 1841, et considéré comme l’un des actes fondateurs de l’égyptologie. Ils permettent de suivre la création de la première fonte hiéroglyphique. Les éditeurs ont souhaité que la forme des signes hiéroglyphiques soit exactement conforme à ce qu’elle était réellement, contrairement aux publications antérieures qui mettaient peu de soin à reproduire fidèlement les signes gravés par les anciens Égyptiens. Ils ont donc fait appel à Salvatore Cherubini – ancien compagnon de voyage de Champollion qui l’avait suivi dans son expédition de 1828 en Égypte – afin de sélectionner des signes au sein du corpus connu et d'en dessiner les formes prototypiques simplifiées pour créer un système normatif de référence pour chaque classe de hiéroglyphes.
Les épreuves de la Grammaire égyptienne permettent aussi d'expliquer le procédé qui a permis son impression rapide en de nombreux exemplaires et d’en suivre le cheminement. C’est la technique de la lithographie qui a été retenue à l'époque. Le fonds contient des "pages de modèles » de signes dessinés à l’encre, des "pages à encoches », qui présentent un système de repérage permettant de positionner les signes hiéroglyphiques au bon endroit sur la page à imprimer, des "pages de transfert" sur lesquelles les signes étaient dessinés au crayon afin d'être reportés sur la pierre d’impression par frottement. Il regroupe aussi les bandes de papiers huilés peints à l’encre pour les signes hiératiques et collés sur épreuves, les premiers essais d’impression aux signes mal délimités ou encore les bons à tirer contenant les remarques du dessinateur lorsque le rendu final de la forme de certains hiéroglyphes ne convenait pas.
L’ensemble de ce fonds est maintenant numérisé et consultable à l’Ifao au service des archives et collections.
Cédric Larcher
Responsable du service des archives et collections de l'Ifao.
Pour en savoir plus :
Nadine Cherpion, Le dessinateur Cherubini et la Grammaire de Champollion, BiGen 43, Le Caire, 2013.