IFAO

Une figurine nagadienne de bovin provenant d’el-Mahâsna

Ce bovin en argile mal cuite d’une vingtaine de centimètres (Musée du Caire, no.inv. JE 41237) n’est pas comme les autres figurines de ce type, présentes en assez grand nombre sur les habitats comme les tombes d’époque prédynastique (vers 3800-3100 av. J.-C.). Non pas par sa forme : son côté schématique, accentué par la cuisson hâtive, ses deux pattes uniques (une pour la paire avant, une pour la paire arrière), son museau carré se retrouvent sur une grande partie des objets similaires. Il est vrai que celle-ci est assez travaillée, avec des détails ajoutés, comme les yeux globuleux formés de boulettes d’argile. Plus ou moins grossières, parfois réduites à un simple boudin d’argile pas même pourvu de pattes mais seulement de cornes, ces figurines sont aussi plus ou moins abîmées, le plus souvent brisées : c’est aussi le cas de celle-ci, dont tout le flanc gauche a disparu et dont les deux moitiés tiennent aujourd’hui ensemble à grand renfort de paraloid.

Non, ce qui distingue cette figurine parmi toutes les autres du même type, c’est le fait qu’elle ait été décorée d’un motif animal supplémentaire : un félin schématique, incisé immédiatement après le modelage et avant que l’argile n’ait séché. Cette superposition représente une originalité considérable dans la production iconographique nagadienne, où les objets ornés de deux types de décor animalier sont très rares (nous en avons dénombré huit en tout et pour tout pour deux milliers d’images) et pour lesquels aucune autre figurine n’est connue. Il serait tout à fait possible qu’il s’agisse d’une représentation originale d’un rapport de prédation ; mais ce type d’interaction n’est presque jamais représenté avant Nagada III, à l’exception d’un panneau rupestre dans le désert oriental sud où une girafe est peut-être attaquée par des lions. L’analyse des parallèles fait en réalité émerger deux éléments importants utiles à l’interprétation. D’une part, les représentations de félins sont quasiment limitées à la région d’Abydos/el-Amrah, où elles sont en revanche pléthore. D’autre part, les figurines en forme de bovins sont répandues partout sur les sites d’habitat, mais ne sont attestées dans les tombes qu’au sein de la zone abydénienne. Celle qui nous occupe a été retrouvée en surface de la nécropole prédynastique d’el-Mahâsna, à une dizaine de kilomètres au nord d’Abydos à proprement parler. Dans ce cas, le félin n’aurait en fait pas de relation réelle avec le bovin : il s’agirait seulement d’une collusion entre un objet fréquent dans les tombes de cette zone, et une gravure également fréquente à cette période, qui pourrait même s’apparenter à un symbole à signification régionale.

Axelle Brémont-Bellini, membre scientifique de l'Ifao.

Cliché de l'auteur.