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Panneau de coffre avec lion et antilope
Ce panneau sculpté en méplat, d'une grande vivacité de composition, est orné d'un lion, gueule béante, attaquant un animal aux longues oreilles et à la forte cuisse. Face à une telle physionomie, les auteurs peinent à identifier la victime. Si certains y voient un lièvre, malgré sa disproportion, d'autres préfèrent y considérer une antilope, bien que la taille des oreilles paraisse alors plus qu'anormale. Le travail du sculpteur permet d'admirer une perspective et un dynamisme peu courants dans l'art chrétien d'Égypte. La manière dont l'arbre, aux branches chargées de fleurs et de fruits se déployant sur l'ensemble du décor, semble onduler autour des deux animaux permet à la fois de recréer le contexte dans lequel se déroule cette scène et de lui donner de la profondeur.
Le combat d'animaux, image récurrente dans l'art oriental, est un thème issu de l'Antiquité, qui se poursuit bien au-delà de la conquête arabe. Symbole de pouvoir politique et militaire par excellence, le lion victorieux conserve une symbolique forte bien qu'il ait été aussi employé comme un motif purement décoratif. L'iconographie de ces animaux sauvages est largement répandue à partir de la période byzantine en Égypte, à l'instar des exemples découverts lors des fouilles du monastère d'Apa Apollô à Baouît sous la responsabilité de l'Ifao.
Cette planche, retrouvée sur le site de Kawm Išqāw (ancienne Aphroditopolis) en 1901 par James Edward Quibell, était à l'origine insérée dans la partie centrale d'un coffre en bois sur un haut piétement retrouvé dans une maison. Ce meuble a été déposé en l'état au Musée égyptien, comme l'attestent les photographies dans les premières publications disponibles à la bibliothèque de l'Ifao. À une date et pour une raison inconnues, il a été démembré et le numéro d'inventaire du Musée copte ne couvre plus aujourd'hui que ce seul panneau. Au moment de sa découverte, un ensemble de papyrus fut retrouvé à l'intérieur, permettant ainsi une datation aux alentours de 600. Parce qu'il l'avait retrouvé dans un contexte domestique, Quibell voyait un coffre à linge.
Cet objet s'inscrit dans le cadre de la publication de Julien Auber de Lapierre & Adeline Jeudy, Catalogue général du Musée copte, Objets en bois 1, BEC 26, 2018. Il a été précédé par le Catalogue général du Musée copte, 1. Objets en métal, FIFAO 119, 2002, rééd. 2008, publié par Dominique Bénazeth.
Le département des bois du Musée copte est riche des milliers de pièces versées par le patriarcat d'Alexandrie, données par des familles ou découvertes lors de fouilles archéologiques. La publication du catalogue des objets en bois offre une première sélection de 86 objets de provenances et d'époques diverses. Il regroupe aussi bien des éléments architecturaux de sites monastiques, du mobilier liturgique provenant des églises du Vieux-Caire (autel, ciboire, iconostase), que des objets de la vie quotidienne (peignes, fusaïoles), et couvre une vaste période chronologique allant de l'époque byzantine à l'époque ottomane. Cette collection permet d'entrevoir la diversité de l'artisanat populaire tout en illustrant les goûts d'une élite civile urbaine et cosmopolite. Les charpentiers, menuisiers et sculpteurs collaborent indépendamment de leur confession religieuse et mêlent volontiers les répertoires iconographiques païen, chrétien et musulman. Matériau à la croisée des cultures, le bois travaillé est révélateur des nombreux échanges économiques et sociaux qui ont jalonné l'histoire de l'Égypte et de la communauté chrétienne.
Julien Auber de Lapierre