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d’archéologie orientale du Caire

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Coupe en or du général Djéhouty

Coupe en or du général Djéhouty


Véritable joyau des collections du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, cette coupe en or massif (ninv. N 713)* est l’un des premiers objets égyptiens entrés au Musée « Charles X » par l’achat de la seconde collection Drovetti, à l’automne 1827. C’est grâce au père de l’égyptologie, Jean‑François Champollion, alors subjugué par la facture de ce chef-d’œuvre d’orfèvrerie égyptienne « dont le fond est orné de poissons tilapia se jouant parmi des fleurs de lotus » (Champollion 1827, p. 95, no 123), que cette transaction fut couronnée de succès. Finement ciselé autour de la bossette, le décor évoque avec fraîcheur un paysage aquatique au style vivace, précurseur de l’art international s’épanouissant au cours des XIVe et XIIIe siècles av. n. è. Cet objet luxueux est un cadeau du « roi de Haute et Basse Égypte Menkheperrê », c’est-à-dire Thoutmosis III (1479‑1425 av. n. è.), pour le « scribe royal Djéhouty, juste de voix. »

Cette coupe en or provient du mobilier funéraire du général Djéhouty. Parmi ce « trousseau », outre les quatre vases canopes et des vases à onguents en albâtre, on compte des bagues, des bracelets et des colliers en or ainsi qu’un scarabée de cœur et un poignard en métal (voir la liste dressée par Christine Lilyquist en 1988). C’est à l’hiver 1824, dans la nécropole memphite de Saqqâra, que sa tombe fut découverte et dépouillée de ses richesses par les agents de Bernardino Drovetti (Bonomi 1843, p. 109), consul général de France en Égypte. Peu scrupuleux, les fouilleurs ne firent guère d’inventaire de leurs trouvailles et ne relevèrent pas l’emplacement de la tombe, aujourd’hui perdue et recouverte par les sables du désert.

Le général Djéhouty est souvent identifié au héros éponyme qui s’introduisit avec deux cents soldats égyptiens au cœur de Jaffa (Tel Aviv) en se cachant dans de grands paniers en osier apportés dans la ville en guise de cadeaux de paix (Conte de Joppé, Papyrus Harris 500). Ce stratagème n’est pas sans rappeler un épisode d’Ali Baba et les quarante voleurs (conte des Mille et Une Nuits) ou encore le cheval de bois employé par Ulysse, l’homme aux mille ruses, pour entrer dans la ville de Troie (Homère, Iliade : chant IV, 251‑290 et chant VIII, 492‑495).

La ligne de texte hiéroglyphique gravée sur l’extérieur du bord nous renseigne quelque peu sur d’autres facettes de la carrière de ce dignitaire : il est aussi « confident du roi à travers toutes les contrées étrangères et les îles qui sont au milieu de Ouadj‑Our ». Cette dernière expression toponymique est identique à celle des légendes des scènes figurant l’apport de présents‑inou par des émissaires égéens sur la paroi ouest de l’aile nord du hall transversal des tombes thébaines des vizirs Ouseramon (TT 131) et Rekhmirê (TT 100), situées à Cheikh Abd el‑Gournah. Suite aux travaux éclairants de Jean Vercoutter (1956), on s’accorde aujourd’hui à établir l’équivalence entre les « îles qui sont au milieu de Ouadj‑Our » et le monde égéen.

C’est à la même période (XVe siècle av. n. è.) que certains récipients en céramique (alabastres, cruches, etc.) de fabrication cnossienne (Minoen Récent IB) et mycénienne (Helladique Récent IIA‑B) sont parvenus en Égypte depuis ces contrées lointaines. Témoignages matériels de contacts égéo‑égyptiens, ces artéfacts ont été déposés dans des tombes égyptiennes situées au cœur du Delta et de la vallée du Nil. En Grèce, les niveaux crétois et péloponnésiens datés du début de l’âge du Bronze récent ont livré des objets égyptiens (aegyptiaca) contemporains des premiers thoutmosides. L’ensemble de la documentation matérielle, réunie par l’auteur, est en cours d’analyse dans le cadre d’une étude contextuelle.

Une statue de scribe assis fragmentaire (no inv. EA 69863) au nom de Djéhouty, probablement découverte à Byblos, apporte quelques précisions sur ses fonctions. Elle nous indique qu’en sa qualité de « directeur des contrées étrangères du Nord », il gère les comptes des redevances (bȝkw) et des cadeaux diplomatiques (jnw) avant de superviser le chargement des denrées à bord de navires qu’il envoie vers le sud, à destination des ports du Delta égyptien. Il détient alors une charge d’administrateur de la région proche‑orientale économiquement contrôlée par l’empire thoutmoside. Ce rôle diplomatique et commercial de première importance a pu s’étendre progressivement à la Méditerranée orientale, revêtant dès lors celui de mandataire auprès du monde égéen.

Il est tout à fait probable que la redécouverte de la tombe de Djéhouty, peut‑être à chercher aux abords méridionaux de la nécropole des nobles du Nouvel Empire située au sud de la chaussée d’Ounas (Saqqarah Nord), pourrait apporter de nouveaux indices sur la carrière de ce haut dignitaire et préciser son rôle dans le contexte des interactions égéo‑égyptiennes. À l’instar du tombeau du général Ourkhiya (règne de Ramsès II) retrouvé par la professeure Dr. Ola El‑Aguizy (Université du Caire) au cours de la campagne 2017‑2018, il ne reste plus qu’à espérer que les fouilles archéologiques actuellement menées dans cette zone par les équipes égyptiennes et néerlando‑italiennes révèlent un jour son emplacement.

Louis Dautais, doctorant de l’IFAO en égyptologie et en protohistoire égéenne (contrat MESRI‑ResEFE).

Cliché de l'auteur (07.02.2018).

 

 

 

 

 

 

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