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Fernand Bisson de la Roque et les mines antiques de Ghozza
« M. Georges Foucart m’a chargé, en janvier 1922, de reconnaître les abords du Shaïb et de faire l’ascension de cette montagne. » C’est en ces termes que Fernand Bisson de la Roque introduit son Voyage au Djebel Shaïb publié dans le Bulletin de la Société de Géographie d’Égypte en 1922.
Cette reconnaissance de 26 jours, du 5 au 30 janvier et de plus de 500 km (détail de l’itinéraire disponible sur le site internet du projet Desert Networks), et dont nous fêtons cette année le centenaire, constitue la première ascension par un européen du gebel Shayib el-Banat, point culminant du désert Oriental d’Égypte. Au-delà de cette entreprise, le périple de Fernand Bisson de la Roque lui permet, grâce à ses compétences et à l’aide de ses guides, de livrer des descriptions et des plans des sites archéologiques de la région et d’en produire les premières photographies connues, actuellement conservées au service Archives et collections de l’IFAO.
Pami celles-ci, se trouve le cliché intitulé « 48 – Ghazâ – caverne de mine d’or » qui immortalise la redécouverte des mines d’or de Ghozza le 9 janvier 1922, et accompagne les descriptions sommaires des mines et de ruines situées plus bas dans le wadi al-Ghozza. La « caverne de mine d’or » constitue l’un des nombreux points d’entrée d’un réseau de galeries étroites et tortueuses correspondant à l’excavation de filons de quartz aurifères. Au terme d’une unique journée de prospection, Fernand Bisson de la Roque date les mines de l’époque pharaonique, et les vestiges de la vallée des époques pharaonique et romaine. Il quitte les lieux dès le lendemain, reprenant sa route vers l’est.
98 ans plus tard, en janvier 2020, la Mission Archéologique Française du Désert Oriental (MAFDO), s’implante à Ghozza, où son équipe pluridisciplinaire mène l’étude des mines, d’un village et d’un fort. Par chance, alors que de nombreux sites du désert Oriental ont connu des dégradations intenses durant la dernière décennie, les photographies, plans et descriptions de Fernand Bisson de la Roque permettent de vérifier que le site a peu changé en un siècle. Durant cette première campagne de fouilles, nous avons pu déterminer que la plupart des mines avaient été ouvertes durant la période hellénistique, que le village– où ont été découverts des bains grecs – était habité, entre autres, par des équipes de mineurs. Le fort, désigné par le toponyme de Berkou, date quant à lui de l’époque romaine. Après une interruption en 2021 à cause de la crise sanitaire, nous espérons pouvoir retourner sur le terrain en février – mars 2022 pour prolonger l’étude des sites.
Si l’identification exacte de ce qu’il a vu, décrit, dessiné et capturé, lui échappait en partie, la documentation offerte par Fernand Bisson de la Roque n’en constitue pas moins un corpus précieux. Cela fait écho, à un siècle d’intervalle, à l’enjeu croissant d’enregistrement, de diffusion et de conservation des données de la recherche.
Maël Crépy, membre scientifique de l’IFAO, co-directeur de la MAFDO
Cliché © Ifao, TS_2000_03157