Une image, un commentaire…
Mutilations Kagemni
Mutilations du nom et de l'image dans le mastaba de Kagemni (Saqqara, VIe dynastie), cliché Yannis Gourdon
Pour un Égyptien de l’époque pharaonique, nommer ou représenter un objet ou un être vivant revient à les faire exister. À l’inverse, détruire une représentation ou un nom nie l’existence même de l’être ou de l’objet concerné. En ce sens, priver un individu de son nom ou de son image, c’est l’effacer de la mémoire collective, mais aussi l’anéantir au sens propre ; il s’agit là d’une véritable « oblitération de la personne » qui va bien au-delà de la damnatio memoriae romaine. Cette oblitération de la personne est l’expression soit d’un châtiment pénal soit d’une vengeance personnelle. En contexte funéraire, un mort privé de son nom ne peut bénéficier des formules rituelles que l’on doit déclamer pour lui ; il se voit donc exclu de toute participation aux offrandes et par conséquent de toute survie après la mort.
Dans le mastaba du vizir Kagemni (Saqqara, VIe dynastie), le nom d’un des fils de ce très haut fonctionnaire est systématiquement martelé, tandis que ces représentations sont inégalement traitées. Dans l’exemple présenté ici, le fils de Kagemni est représenté en tête d’un cortège de porteurs d’offrandes. Son image a été presque intégralement détruite comme ses titres et son nom qui avaient été gravés devant lui. Nous sommes bien en peine de pouvoir saisir les motivations d’un tel acharnement. A-t-il pris part aux conspirations qui semblent avoir eu lieu dans les débuts de la VIe dynastie ou a-t-il fait l’objet d’une vengeance personnelle ? Nul ne peut répondre à cette question. Toujours est-il que, malgré le zèle de ses détracteurs, ce nom peut encore être déchiffré aujourd’hui et nous pouvons faire revivre à nouveau ce fils « indigne » en invoquant son nom : Irenakhty !
La base de données AGÉA (Anthroponymes et Généalogies de l’Égypte Ancienne), dont la version 1 bêta a été mise en ligne le 26 octobre 2011 est un outil de recherche sur les noms et les familles de la civilisation pharaonique. Elle est accessible librement en ligne.
Yannis Gourdon (Ifao)