La méthode
La datation par le carbone 14: rappels théoriques
L'élément chimique carbone est l'un des composants principaux de tous les organismes
vivants; il y est présent dans presque toutes les molécules qui combinent des
atomes de carbone à des atomes d'oxygène, d'hydrogène, d'azote etc. Tout atome
est formé d'un noyau, composé de protons (portant une charge électrique positive)
et de neutrons et d'un nuage d'électrons qui gravitent autour du noyau. La charge
électrique négative des électrons compense celle des protons. La gravitation
des électrons est régie par les lois de la mécanique quantique: un électron
ne rayonne pas d'énergie lorsqu'il décrit une orbite stable correspondant à
une énergie donnée. Lorsque cet électron passe d'un état stationnaire à un autre,
il acquiert ou perd de l'énergie. Dans ce dernier cas, il émet un rayonnement.
Un même élément chimique peut posséder des noyaux de configurations différentes,
se distinguant par le nombre de neutrons. Ce sont les isotopes d'un même élément.
Le carbone possède 3 isotopes:
– le carbone 12 (stable): le noyau de l'atome est formé de 6 protons et 6 neutrons.
– le carbone 13 (stable): le noyau de l'atome est formé de 6 protons et 7 neutrons.
– le carbone 14 (instable): le noyau de l'atome est formé de 6 protons et 8
neutrons.
L'isotope 14C, instable, se transforme suivant la réaction:
146C >147N
+ ß- : il se forme de l'azote 14, stable, avec émission d'énergie
sous forme d'un rayonnement ß-.
Dans l'atmosphère, les teneurs des isotopes du carbone sont approximativement
les suivantes:
– carbone 12 : 98,89%
– carbone 13: 1,108%
– carbone 14: 1,2.10-12%
La datation par le carbone 14: principe
Durant leur vie, plantes et animaux maintiennent des échanges continuels avec
l'environnement, absorbent et transforment une partie du gaz carbonique (CO2)
prélevé. La teneur en isotope 14 du carbone dans leur organisme est donc sensiblement
égale à celle de l'atmosphère. Ces échanges cessent avec la mort. L'isotope 14,
instable, se transforme selon la réaction exposée ci-dessus, de manière proportionnelle
au temps. La moitié du 14C se désintègre en 5730 ans (temps appelé
la "demi-vie" d'un isotope radioactif). On peut donc évaluer l'âge d'un
échantillon en mesurant le taux d'isotope 14C présent dans la matière.
Lorsque Willard Libby a mis au point, vers 1950, la méthode de datation par le
radiocarbone, on estimait que la teneur de l'isotope 14 de l'atmosphère était
constante à travers les âges. Ce point de vue a été révisé depuis. Il s'est donc
avéré nécessaire de corriger les mesures par une calibration qui prend en compte
cette variation. Une courbe de calibration a été établie par croisement d'âges
obtenus par la méthode du radiocarbone avec les valeurs fournies par d'autres
méthodes, essentiellement la dendrochronologie. Cette courbe est constamment révisée
et affinée.
La datation par le carbone 14: les méthodes
Deux méthodes sont utilisées:
1. la méthode indirecte: mesure de la radioactivité à l'aide de compteurs à
scintillation liquide.
2. la méthode directe: mesure directe de la teneur en isotope 14 à l'aide d'un
accélérateur de particules couplé à un spectromètre de masse.
1. mesure de la radioactivité à l'aide de compteurs à scintillation liquide
C'est la méthode la plus ancienne, la plus simple à mettre en oeuvre et la plus
pratiquée: on convertit l'échantillon en un composé dont on mesure la radioactivité
ß. Après nettoyage des éventuelles pollutions, l'échantillon est brûlé. Lors de
cette combustion le carbone est transformé en gaz carbonique (CO2).
Purifié des autres substances issues de la combustion, ce gaz est d'abord transformé
en acétylène (C2H2) puis en benzène (C6H6).
C'est la radioactivité de ce benzène, qui ne peut être issue que du carbone de
l'échantillon, qui est mesurée dans un compteur à scintillation liquide. Dans
cet appareil, le rayonnement ß est converti en photons (en énergie lumineuse).
C'est cette très faible "scintillation" qui est mesurée.
2. mesure à l'aide d'un accélérateur de particules et d'un spectromètre de masse
(AMS: Accelerated Mass Spectrometry)
Après transformation en gaz carbonique ou en graphite, l'échantillon est ionisé
par bombardement avec des ions Cesium. Après une première sélection des ions de
même masse 14, le faisceau qu'ils forment dans l'instrument est accéléré, il entre
en collision avec un gaz pour séparer les ions C3+. Ceux-ci sont accélérés dans
la deuxième partie de l'appareil pour séparer et compter les ions 14C3+,
13C3+ et 12C3+.
Avantages et inconvénients des deux méthodes:
La méthode directe, par sa grande sensibilité, permet de mesurer des échantillons
d'une masse en carbone inférieure au milligramme, soit mille fois moins que
ce qui est exigé par la méthode indirecte. Pour les petits prélèvements, il
n'y a donc pas véritablement de choix. Néanmoins, la mobilité des petites particules
dans les sédiments et le grand rapport surface/poids ne permet pas d'identifier
clairement les pollutions éventuelles dans de nombreuses situations. Cette méthode
nécessite une instrumentation lourde. La méthode indirecte, par contre, autorise
la même précision à condition de disposer d'un échantillon de volume suffisant.