Institut français
d’archéologie orientale du Caire

IFAO

Soufisme et production écrite au XIXe siècle

Responsables : Rachida Chih (IREMAM, CNRS, UMR 6568), Catherine Mayeur-Jaouen (INALCO)

Partenariats : IFPO à Damas, IREMAM, INALCO

À la suite du colloque sur Le développement du soufisme à l’époque mamlouke, dont les actes ont été publiés en 2006, et du colloque sur Le soufisme en Égypte et dans le monde musulman à l’époque ottomane, XVIe–XVIIIe siècles qui s’est tenu à l’IFAO les 15-18 janvier 2007, il est apparu nécessaire aux organisateurs et à de nombreux participants de ce dernier colloque de poursuivre cet approfondissement de l’histoire du soufisme dans ses continuités et ses évolutions. Le colloque sur l’époque ottomane a montré l’intérêt de croiser perspectives historiques et doctrinales, ainsi que textes et contextes. Il a fait apparaître la dynamique des échanges entre les diverses parties du monde musulman dans le cadre d’une culture savante partagée et de pratiques spirituelles largement diffusées, bien au-delà des limites de l’Empire ottoman.

Dans le domaine du soufisme, le XVIIIe siècle en particulier voit l’émergence de figures aux savoirs encyclopédiques et de maîtres spirituels à la forte personnalité, qui contribuent à remodeler et à renouveler les voies, et dont l’influence se fait sentir jusqu’à nos jours. Comment leur héritage féconde-t-il le siècle suivant qui donne à son tour naissance à de nouvelles figures de sainteté et de science, appelées à relever de nouveaux défis ? Ce siècle voit en effet l’affaiblissement du pouvoir ottoman, la colonisation, l’interventionnisme occidental et diverses réactions et réponses du monde musulman, tant sur le plan politique que religieux et culturel. Quelle part les soufis prennent-ils à ce mouvement ? Les événements et les changements qui traversent le siècle se reflètent-ils dans leurs écrits ? Que la réponse à cette dernière question soit positive ou négative, quel enseignement faut-il en tirer ?

Quel rôle l’apparition de l’imprimerie joue-t-elle, en parallèle avec la copie manuscrite, dans la diffusion du soufisme ? Quelles œuvres édite-t-on, depuis celle d’Ibn ‘Arabî jusqu’aux fascicules de textes de piété et de pratique (recueils de prières sur le Prophète, oraisons (ahzâb, awrâd), textes de mawlid etc…) ? Quels centres de reproduction diffusent-ils cette littérature et dans quelle mesure entretiennent-ils des liens privilégiés avec le soufisme, comme Le Caire avec al-Azhar, Fès, Istanbul, plusieurs villes des Indes, etc… ?

Nos interrogations porteront avant tout sur le contenu de la littérature du soufisme : doctrine spirituelle et métaphysique, pratique initiatique, hagiographie, formules de prières. Les voies (tarîqa, pl. turuq), ayant fait déjà l’objet de nombreuses études, ne seront pas abordées en tant que telles, mais en tant qu’elles ont produit des corpus spécifiques, comme les écrits de la Tijâniyya ou de la Naqshbandiyya ou qu’elles sont représentées par des auteurs particulièrement productifs, comme Abû l-Hudâ al-Sayyâdî pour la Rifâ‘iyya. Les écrits seront abordés pour eux-mêmes, mais sans pour autant négliger leur contexte local, régional ou international, selon les cas, et les auteurs seront replacés dans leur environnement socio-culturel, de manière à préciser, le cas échéant, les liens entre production écrite et diffusion d’une influence spirituelle.

Les textes ne sauraient être donc dissociés de leur lieu de production, qu’il s’agisse d’un centre important ou plus modeste, mais néanmoins relié à un réseau de circulation des hommes, des idées et des livres. Privilégier l’écrit constitue un simple moyen pour approcher une pratique et une doctrine dont on sait bien qu’elles ne reposent que très partiellement sur la transmission livresque. Toutefois l’accès d’un plus grand nombre aux textes du soufisme grâce à l’imprimerie et, dans une certaine mesure, aux progrès de l’alphabétisation, pose la question de leur rôle dans la pratique du soufisme et de leur place dans la culture arabo-musulmane du XIXe siècle.

L’aire étudiée peut embrasser toutes les régions du monde musulman, ce qui permettra, entre autres, de comparer la relation entre un milieu donné et la diffusion des écrits du soufisme. On ne cherchera pas une exhaustivité qui aboutirait à une sorte de catalogue de la production écrite par pays. Une place importante reviendra à l’Égypte et à la Syrie, sans oublier la Turquie, le Maghreb, les Indes ni négliger les régions où le soufisme joue un rôle important dans la diffusion de l’islam, comme l’Afrique de l’est et de l’ouest, l’Indonésie, voire la Chine.