Institut français
d’archéologie orientale du Caire

IFAO

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Extrait pdf de l’ouvrage :
Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale 115
2016 IFAO
28 p.
gratuit - free of charge
La production des ostraca en calcaire dans la nécropole thébaine. Étude préliminaire

Plusieurs campagnes de restauration des ostraca en calcaire, inscrits et figurés, provenant de Deir el-Medina/Vallée des Rois et conservés au sein de la collection du musée du Louvre, ont amené à des observations très précises sur la morphologie de ces supports d’écrits ou de dessins. Grâce à la collaboration de J. Pelegrin, préhistorien spécialiste de technologie lithique, puis du laboratoire d’imagerie du C2RMF, il s’est avéré que l’histoire des ostraca ne commence pas au geste du scribe et du « scribe des formes » relevant de la communauté d’artisans au service de la Tombe mais, bien en amont, au geste du tailleur de pierre qui façonne ce support. La numérisation 3D de dix de ces pièces, destinée à « neutraliser » leur texte ou leur décor, ainsi qu’une étude à l’œil nu de quarante autres ostraca en calcaire, prélevés dans la collection sans critère sélectif, ont révélé des stigmates de taille, des aménagements et des traces d’outils et permis des observations statistiques.

Deux schémas de débitage étaient principalement pratiqués :

– débitage au ciseau métallique de grandes esquilles sur bloc de calcaire homogène et compact, avec effet de litage très faible ou absent ;

– débitage par délitement provoqué, c’est-à-dire par fendage après éventuel amorçage, de blocs de calcaire à effet de litage plus marqué.

Les outils impliqués dans cette production d’ostraca étaient diversifiés :

– ciseau robuste à biseau obtus, utilisé comme une chasse moderne pour débiter de grandes esquilles par fracture en split, animé par un maillet assez lourd et dur (au moins 1 kg, de bronze ou de roche tenace) ;

– ciseau à biseau aigu, éventuellement emmanché, pour ouvrir des fissures de délitage ; à l’aide d’un maillet plus léger et moins dur (bois) ;

– lourd percuteur de pierre (environ 3 kg, ovoïde ou sphérique, en calcaire ou en roche tenace comme la dolérite), pour le débitage de certains éclats par fracture conchoïdale ;

– gros percuteur tendre organique, sous forme d’un gros gourdin ou massette de bois dur, pour le débitage d’éclats par fracture conchoïdale ainsi que pour certains enlèvements de façonnage ou de retouche envahissants, ou encore comme maillet pour le fendage ;

– petits percuteurs de bois dur et de calcaire pour la retouche marginale.

Ces observations laissent supposer un ou plusieurs ateliers de taille de pierre, près du lieu d’extraction, que l’on peut penser être le chantier de la Tombe royale et/ou d’autres chantiers de construction ou ateliers dans la nécropole thébaine. Cette étude démontre une nouvelle étape dans le processus conduisant à cette production des ostraca.

Several restoration campaigns of the limestone ostraca from Deir el Medina/Valley of the Kings, inscribed and figured, held in the collections of the Louvre Museum, led to very specific comments on the morphology of these plates devoted to writings or drawings. With the fruitful collaboration of Dr. J. Pelegrin, an archaeologist specialist of prehistoric lithic technology, then of the “Laboratoire d’imagerie du C2RMF”, it turns out that the history of the ostraca does not begin with the gesture of the scribe or the draftsman working among the community of workmen dedicated to the Royal Tomb, but before that, with the gesture of the quarryman or stone carver who shaped the blank. 3D scanning of ten of these items, so as to “neutralize” their text and/or decoration, as well as the examination with naked eye of forty other limestone ostraca selected at random from the collection, revealed marks of intentional flaking and traces of tools, allowing us to draw statistical observations.

Two main patterns of initial extraction were practiced:

– flaking large splinters with a metal chisel and a heavy and hard mallet from blocks of homogeneous and compact limestone without apparent bedded structure;

– splitting “slices” out of limestone blocks when they have a bedded structure.

Various tools were involved in the production of ostraca:

– a robust chisel with an obtuse bevel, used as a modern “chasse” (such as a barrel chisel) and struck with a heavy and hard mallet (at least 1 kg, made of bronze or some tenacious rock), for the detachment of large splinters;

– a chisel with an acute bevel, possibly with a handle, to open fissures in the bedded limestone;

– a heavy hammerstone (approximately 3 kg, ovoid, made of limestone or tenacious rock such as dolerite) for the detachment of some large flakes by conchoïdal fracture;

– a large organic percussor, in the form of a big hard wood club or mallet, for detaching some flakes by conchoïdal fracture as well as shaping some blanks by invasive retouch;

– smaller percussors made out of hard wood and limestone for marginal retouch.

These observations suggest one or more stone workshops, near the place of limestone extraction, probably related to the Royal Tomb in progress or other construction sites or workshops in the Theban necropolis. This study demonstrates a new stage in the process leading to the production of the ostraca.