Institut français
d’archéologie orientale du Caire

IFAO

Catalogue des publications


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AnIsl042_art_06.pdf (0.8 Mb)
Extrait pdf de l’ouvrage :
Annales islamologiques 42
2008 IFAO
33 p.
gratuit - free of charge
Ethnonymes arabes (ʿaǧam, ʿarab, badw, turk, …) : le cas kurde comme paradigme des façons de penser la différence au Moyen Âge.

L’usage qui est fait du terme « kurde » (kurd, pl. akrād) dans les sources arabes médiévales est déroutant. Très souvent il ne recoupe pas nos catégories sociales et « ethniques » actuelles. Qu’ils évoquent les Kurdes en passant ou qu’ils les insèrent dans une théorie politique et sociale complexe, les auteurs arabes sont à la fois les transmetteurs et les filtres de conceptions particulières de la différence. Au fil des siècles, ces conceptions ont évolué et en retour l’image des Kurdes et le sens du terme « kurd » ont changé. La description de la spécificité des phases historiques successives de cette évolution et l’analyse des contextes de sens qui en résultent sont au centre de cet exposé. Deux phases se dégagent : la première du viiie au xie siècle, qui lie le terme « kurd » de manière systématique aux termes ʿarab, aʿrāb et ʿaǧam, et où l’origine arabe des Kurdes est souvent rappelée ; la seconde du xie au xive siècle, où l’on assiste à une diversification de l’énoncé de la différence. Cette deuxième phase est plus profondément étudiée ici. Six contextes de sens ou registres dans lesquels s’inscrivait cette catégorie émergent : les registres de l’iranité et celui de l’arabité ; le registre ḫaldūnien de la bédouinité ; le registre civilisationnel du barbare des confins ; le registre géo-ethnique des Kurdes attachés à un territoire spécifique (Bilād al-akrād, Zūzān) ; enfin, le registre ethnologique du Kurde comme « autre » du Turc dans l’oligarchie militaire.

Mots-clés : Kurdes, Mamlouks, ethnicité, Ibn Ḫaldūn, ʿarab, ʿaǧam, turk.

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The use of the word “Kurd” (Kurd, pl. Akrād) in Arabic medieval sources is confusing. Most of the time it does not fit into our contemporary social and “ethnic” categories. The Arab authors, whether they mention the Kurds in passing or insert them in a complex social and political theory, are transmitters and filters of specific conceptions of the difference. Through the centuries, these conceptions evolved. Thus the image of the Kurds and the meaning of the term Kurd changed. The description of the historical stages of this evolution and the analysis of the resulting contexts of meaning are at the very core of this study. Two stages seem to appear: the first from the eighth to the eleventh century where the term Kurd is systematically linked with the terms ʿarab, aʿrāb et ʿaǧam and where the alleged Arab origin of the Kurds is often recalled; during the second stage from the eleventh to the fourteenth century one can witness a diversification in the uttering of ethnic differences. We undertake here the study of this second stage. Six main contexts of meaning emerge: the two registers of Iranity and Arabity; the “ḫaldūnian” register of Bedouinity; the register of the hedges barbarians; the geo-ethnic register of the Kurds attached to a specific territory (Bilād al-akrād, Zūzān); lastly, the ethnological register of the Kurd as the “Other” of the Turk within the military oligarchy.

Keywords : Kurds, Mamlūks, Ethnicity, Ibn Ḫaldūn, ʿarab, ʿaǧam, turk.